La route est bien tracée, avec des ralentisseurs qui s’illuminent la
nuit. C’est pourtant un chemin communal, à quelques encablures de la
célèbre forêt de l’Akfadou qui abrita le PC du légendaire colonel
Amirouche pendant la guerre de Libération nationale. La qualité de
l’aménagement de la voie qui s’offre à nos yeux est introuvable sur les
routes nationales et à l’entrée des grandes agglomérations de la région.
Nous sommes à 70 km à l’extrême est de Tizi Ouzou, à 1000 mètres
d’altitude, dans la commune d’Idjeur (daïra de Bouzeguène), à la limite
de la wilaya de Béjaïa. « Mis à part le goudron, tout ce que vous verrez
dans notre village, nous l’avons réalisé nous-mêmes», dit un jeune qui
nous souhaite la bienvenue à Iguersafène. «Mrahva yiswen !» lance-t-il,
une civilité qui frappe les visiteurs venus tout droit des villes,
habitués aux injonctions policières à l’entrée des chefs-lieux où l’on
est simplement invité à serrer à droite et à ouvrir la malle de la voiture sous prétexte que le détecteur d’explosifs a «parlé».
Dans ce village de montagne, les dernières explosions ont eu lieu le 4
décembre 1957. L’aviation coloniale détruisait le village après que des
dizaines de ses habitants aient rejoint collectivement le maquis. Il fut
reconstruit à l’indépendance par ses enfants, qui commencèrent par
aménager le carré des martyrs.
Avant d’entrer à Iguersafène, nous avions tenté de rencontrer
le maire de la localité au siège de l’APC. Il était absent, en
formation à Alger, apprend-on. Nous verrons que pour recevoir des leçons
de gouvernance locale, il suffit de se rendre dans le village d’à côté
et en être imprégné davantage que lors des stages bloqués encadrés par
le ministère de l’Intérieur.
D’un tas de cendres et de ruines à l’indépendance, Iguersafène a
atteint aujourd’hui un niveau d’organisation et de vie communautaire où
toutes les tâches sont réparties dans l’ordre et les travaux menés dans
les délais, sans recours à la logistique
étatique et aux financements publics. Iguersafène s’est retrouvé sous
les projecteurs en octobre dernier, en remportant le premier prix du
concours du village le plus propre organisé par l’APW de Tizi Ouzou.
Compostage et tri sélectif
L’administration publique en a rêvé, le village l’a fait. Le tri
sélectif des déchets a été lancé à Iguersafène. Des bacs à ordures
réservés au plastique et au papier sont disposés dans tous les
quartiers. Un camion, acquis avec les moyens du village qui rémunère
aussi le chauffeur, passe tous les matins pour vider les bacs avant de
se diriger vers le centre de tri. Car il y a un centre de tri au
village, aménagé et clôturé sur un espace pris dans le domaine
forestier, avec l’accord tacite de la direction de tutelle.
L’opération d’hygiène au village est pilotée par une association
de protection de l’environnement, dénommée Alma Vert, qui prend conseil
auprès de villageois universitaires spécialisés dans le secteur .
Un système de compostage est mis en place pour traiter les déchets
biodégradables. Une dizaine de bacs de compostage, des silos en bois
d’un mètre cube, sont disposés dans tous les quartiers du village. Le
processus est expliqué à tous les villageois, les femmes en premier,
véritables chevilles ouvrières de cette expérience unique dans la
région.
Le compost est recueilli au bout de six mois et utilisé comme engrais
pour enrichir les lopins de terre des villageois. Ce sont les matières
plastiques et les papiers qui prennent le chemin du centre de tri, où
les membres de l’association et des volontaires préparent d’énormes
paquets qui seront proposés aux artisans de la récupération. «Il y a un
recycleur qui vient récupérer les plastiques, mais pas encore s’agissant
du papier. Nous continuons de prospecter», nous dit un membre de
l’association.
Celle-ci récolte l’argent de la vente de ces matières et en fait bon
usage. «Nous avons acheté pour 25 millions de centimes des centaines
d’arbustes que nous avons plantés à travers le village et en bordure de
la route», souligne le jeune animateur de l’association de
l’environnement, qui cite également le lancement d’une pépinière pour
cultiver des plantes et des arbrisseaux au profit des villageois.
La préoccupation de l’association, ce sont les sachets en plastique,
omniprésents et non intégrables dans le système de tri pour le
recyclage. «Nous prévoyons la suppression des sachets en plastique en
dotant tous les ménages de paniers non jetables, frappés du sigle de
l’association.Une sorte de retour au couffin d’antan», ajoute le membre
de l’association Alma Vert, qui finit par s’excuser de ne donner plus
d’informations, expliquant que l’organisation interne prévoit des
structures et des personnes chargées de communiquer et de parler au nom
du village.
Nous étions déjà motivés de rencontrer ces simples citoyens qui ont
réussi à établir dans le village l’autorité et l’ordre par la seule
force du respect et de la solidarité. «Nous sommes en majorité des
entrepreneurs», dit d’emblée le président du comité de village, Ali
Bakour, à peine la quarantaine, mais pleinement habité par la mission
des tamens, les sages du village. Les membres de ce comité passent de
leurs chantiers particuliers à ceux du village avec une disponibilité et
un engagement qui sont sans doute la clé du succès à Iguersafène.
«Notre village compte 4500 habitants, dont 1400 participent aux
assemblées générales.
Nous employons quatre ouvriers à temps plein et nous travaillons en
collaboration avec deux associations du village, l’une de
l’environnement et l’autre de la culture. Les habitants ne paient pas de
cotisation, mais tout le monde participe aux travaux. On dénombre 20
camions et sept engins de travaux publics que leurs propriétaires
mettent à la disposition du comité de village quand la nécessité
l’exige. Si le revêtement de la route a été effectué dans un projet
public, c’est parce que le village ne dispose pas d’un finisher (engin
de bitumage)», affirme le président du comité.
Un tableau des cotisations en euros est affiché dans le bureau de
l’instance villageoise. Cette disposition dans le règlement du village
est applicable à la communauté émigrée et aux retraités de France. Entre
1,25 et 5 euros par mois, selon les revenus. Les résidents à l’étranger
cotisent dès lors qu’ils ne participent pas aux travaux dans le
village. Ils s’acquittent de leur contribution auprès des trois comités
constitués à l’étranger, à Paris, à Marseille et au Canada.
Eau de source dans les robinets
Le comité du village fonctionne comme une direction d’une collectivité
locale, mais avec le dévouement et le sens de l’entreprise à la place de
la bureaucratie et de l’inertie. Les villageois ont décidé de prendre
leur destin en main après s’être longtemps heurtés à la sourde oreille
des autorités. «Nous avons décidé, il y a deux ans, de prendre en charge
nous-mêmes le ramassage et le traitement des ordures après avoir tenu
une trentaine de réunions avec les autorités locales. C’était sans
issue. On était dans une situation où l’on devait continuer à vivre dans
l’insalubrité ou engager une action de notre propre initiative.
Nous avons alors pris les choses en main», explique le président du
comité. Il poursuit : «J’ai été convié aux états-généraux de
l’environnement (réunions organisées par la wilaya ayant abouti à des
recommandations sans lendemain, ndlr). Alors que tous les participants
chargeaient les citoyens, accusés d’incivisme et autres maux, je suis
intervenu pour dire que les citoyens sont bien éduqués et ne manquent
pas de civisme, mais c’est à leurs représentants et aux responsables à
tous les niveaux de commencer par donner l’exemple et montrer la voie.
Sans un signal fort de l’autorité, la communauté ne suit pas.»
Les résultats ne se sont pas fait attendre et ne s’arrêtent pas à
l’hygiène dans le village. Le comité rémunère un employé chargé du
réseau d’AEP, entièrement réalisé et géré par le village. L’eau de
source provenant du massif de l’Akfadou arrive dans les robinets par
simple gravitation, en raison et grâce au relief montagneux, au moment
où cela constitue le prétexte-phare des autorités quand elles échouent
dans la viabilisation des territoires. Des compteurs d’eau sont
installés dans toutes les maisons, mais il n’y a pas de facture.
Seule une contribution symbolique de 25 DA par mois et par foyer
constitue l’abonnement au réseau d’AEP du village. La consommation de
l’eau est libre tout au long de l’année, mais un plafond est fixé entre
juin et octobre, soit 80 litres par jour et par personne ; le surplus
est taxé à 0,50 DA le litre. De modestes tarifs fixés depuis longtemps
et qui vont dans la caisse du village. Le réseau d’alimentation en eau
potable a été refait en PEHD par les villageois il y a cinq ans. L’eau
est acheminée à partir d’une dizaine de sources en montagne, sur 6 km de
canalisations.
Les sources sont captées et entretenues par les soins du village. Avant
la dernière rénovation du réseau, c’est encore le village qui avait
réalisé la première opération d’adduction d’eau depuis la montagne, avec
des conduites en acier galvanisé. Ce fut, en 1992, un énorme chantier
qui a tenu en haleine le village pendant de longs mois de travaux
collectifs et ininterrompus, du captage des sources et l’adduction à
travers des terrains forestiers et accidentés jusqu’à la distribution
dans le village et la pose des compteurs dans chaque foyer.
Un projet 100% villageois, qui a coûté à cette époque plus de 1,7
milliard de centimes. La communauté émigrée avait été d’un grand apport,
comme à chaque grande opération engagée dans le village. Un autre
projet de captage de quatre nouvelles sources est engagé pour parer à la
baisse du débit en été ; trois kilomètres de canalisations ont été déjà
réalisés sur les quatre prévus.
Village aux 99 martyrs
Le comité de village assure, en son bureau, des permanences tous les
soirs à partir de 18h, le même concept que les permanences
parlementaires à la différence qu’à Iguersafène, elles sont tenues. Les
requêtes des villageois sont expressément inscrites dans un registre
prosaïquement appelé «Journal des problèmes». On y trouve des demandes
de raccordement au réseau d’AEP et même, ce qui est commun à tous les
villages, quelques litiges de voisinage. En marge des requêtes, une
colonne est réservée aux observations du comité de village, où on lit la
mention «Réglé», en référence au problème soulevé, avec signature,
cachet et date.
On réalise alors que quelque chose manque dans les bureaux des
exécutifs communaux et des autorités locales. Dans le bureau du comité
d’Iguersafène, l’ordinateur ne sert pas seulement à stocker les
statistiques démographiques et matérielles du village ; il affiche aussi
les maquettes des projets en cours ou à venir. Un Musée du chahid a été
réalisé au centre du village ainsi qu’une place des Martyrs, en hommage
aux 99 fils d’Iguersafène qui ont donné leur vie pour libérer le pays.
Un chantier a été engagé et tient à cœur les villageois : une salle
polyvalente qui abritera les bureaux des associations et du comité, une
crèche, une salle des fêtes et une autre de sports ainsi qu’une
médiathèque. La structure sur trois niveaux, d’un coût de 3,7 milliards
de centimes, est réalisée à 25%. Les 5 millions de dinars obtenus avec
le prix du village le plus propre seront versés dans ce projet, qui
nécessite un apport financier plus conséquent.
Les citoyens d’Iguersafène, dont beaucoup attendent encore
l’électricité, ont compté jusqu’ici sur leurs propres ressources pour
sortir du dénuement de la vie en montagne, mais leur sacrifice pendant
la guerre d’indépendance a été trop lourd pour continuer à lutter pour
leur développement sans l’aide de l’Etat.
BRAVO LES GARS, bon courage de la party des kabyles N'JAPON
RépondreSupprimerBravo mes frères kabyle ,vous êtes capable de gérer votre pays sans l'état algérienne c'est pour ça votre indépendance est nécessaire. Tanemirt
RépondreSupprimerQUEL STRATÈGE .... ou étiez vous a l époque des Abane ...Krim ...Amirouche ...ETC ... IL N Y ONT PAS PENSE .... C EST DRÔLE ...
SupprimerQUEL STRATÈGE .... ou étiez vous a l époque des Abane ...Krim ...Amirouche ...ETC ... IL N Y ONT PAS PENSE .... C EST DRÔLE ...
SupprimerFélicitation et multiplier l'initiative
RépondreSupprimerFélicitation et multiplier l'initiative
RépondreSupprimerça c'est de la persévérance dans le droit chemin BRAVO !un bel exemple a suivre ;une leçon de citoyenneté .
RépondreSupprimerTamurt i tterguɣ ziɣ tella deg igersafen, nekk ur ẓriɣ! Tanemmirt i (ye)teqbayliyin(en) n igersafen <3 <3 <3
RépondreSupprimerQuel sera le prochain Village pour ne pas dire VILLE . Example a suivre
RépondreSupprimerLa Kabylie conjugue ses ressources humaines aux ressources écologiques, bravo c'est un noble chantier que vous entreprenez là. Hamid Belgacem
SupprimerLa Kabylie conjugue ses ressources humaines aux ressources écologiques, bravo c'est un noble chantier que vous entreprenez là.
RépondreSupprimerYa3tikoum essa7a ! Ça fait plaisir ! Et Amirouche de la où il est doit être fier de vous ! C'est votre façon de lui rendre hommage et pour ça moi je vous dis MERCI et BRAVO !
RépondreSupprimerBravo !
RépondreSupprimer....LEM3AOUNA TEGHLEB ESBE3...... AIDE TOI LE CIEL T AIDERA ..... MAIS RESTONS UNIS ,COMME DU TEMPS DE LA GUERRE DE LIBÉRATION NATIONALE .... A L ECOLE , ON NOUS A APPRIS L HISTOIRE DU LABOUREUR ET SES ENFANTS ... NI ABANE ..NI AIT AHMED ..NI AMIROUCHE ..NI OUAMRANE ..ETC ... N ONT CHERCHES A S ISOLER DE LEUR NATION QUI EST L ALGÉRIE .... ALORS QU ILS ÉTAIENT ASSEZ PUISSANTS POUR CE FAIRE ....BON COURAGE , ET SOYEZ CONTAGIEUX ...
RépondreSupprimer....LEM3AOUNA TEGHLEB ESBE3...... AIDE TOI LE CIEL T AIDERA ..... MAIS RESTONS UNIS ,COMME DU TEMPS DE LA GUERRE DE LIBÉRATION NATIONALE .... A L ECOLE , ON NOUS A APPRIS L HISTOIRE DU LABOUREUR ET SES ENFANTS ... NI ABANE ..NI AIT AHMED ..NI AMIROUCHE ..NI OUAMRANE ..ETC ... N ONT CHERCHES A S ISOLER DE LEUR NATION QUI EST L ALGÉRIE .... ALORS QU ILS ÉTAIENT ASSEZ PUISSANTS POUR CE FAIRE ....BON COURAGE , ET SOYEZ CONTAGIEUX ...
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