Dans son prochain numéro, publié mercredi, le journal satirique
accueille deux nouvelles têtes dans ses pages : le caricaturiste
algérien Ali Dilem, membre de la fondation Cartooning for Peace, et
l'auteur de bande dessinée finistérien Pétillon, habitué du Canard Enchaîné.
Ils ont laissé un énorme vide. Les dessinateurs Charb, Cabu, Honoré, Tignous et Wolinski, sont décédés lors de l'attaque terroriste perpétrée par les frères Kouachi dans les locaux de Charlie Hebdo,
le 7 janvier. Mais le journal satirique n'a pas dit son dernier mot et
continue à paraître. Mercredi 25 février sortira son numéro 1179, le
successeur du numéro des survivants publié il y a six semaines. Pour le
mener à bien, la
rédaction s'est réunie autour de ses autres piliers et a accueilli deux nouveaux dessinateurs: Ali Dilem et René Pétillon.
Ali Dilem
est un dessinateur de presse algérien. Né en 1967 à El Harrach, il a
fait ses armes une vingtaine d'années plus tard, d'abord au journal Alger Républicain puis au quotidien Le Matin. En 1996, il a intégré l'équipe du Liberté,
quotidien généraliste algérien en langue française. Dans chacun de ses
numéros, il s'illustrait en dernière page en publiant l'une de ses
caricatures. Ses conditions d'exercice ne sont pas de tout repos. À
l'instar d'autres de ses collègues menacés de mort par des groupes
terroristes islamistes (quatre ont été assassinés dans les années 1990),
il subit des pressions similaires. Il a également été poursuivi plus de
cinquante fois devant la justice. En 2001, le Code pénal algérien a
même adopté une disposition surnommée «amendement Dilem», qui prévoit
jusqu'à un an de prison pour offense au président de la République ou
aux corps de l'État. Face aux menaces répétées de la part des islamistes
radicaux - bien qu'il n'a jamais caricaturé Mahomet, sinon sa main qui
sort d'un nuage - il vit aujourd'hui reclus et caché.
Irrévérencieux, insoumis, attaché à la liberté d'expression, amis des dessinateurs de Charlie Hebdo,
il intègre aujourd'hui la rédaction du journal satirique. Ses dessins,
remarqués à l'international, ont été récompensés à plusieurs reprises.
Ali Dilem a notamment obtenu le Prix international du dessin de presse
en 2000, le Trophée de la liberté de la presse en 2005, le Prix du
courage en caricature politique (Cartoonists Rights Network's Award for
Courage in Editorial Cartooning) en 2006 ainsi que le Grand Prix de
l'humour vache en 2007. En 2010, Ali Dilem a reçu les insignes de
Chevalier des Arts et des Lettres. Grande figure du dessin de presse, le
caricaturiste s'est également investi dans la fondation Cartooning for
Peace, fondée à l'initiative de l'ONU à la suite de l'affaire des
caricatures danoises de Mahomet et qui organise des expositions et des
conférences partout dans le monde.
René Pétillon,
dit Pétillon, a un parcours complètement différent. Né en 1945 à
Lesneven, dans le Finistère, il s'est formé en autodidacte au dessin de
presse et à la bande dessinée. Dès 1968, il publie dans diverses revues:
Planète, l'Enragé, Plexus, Vingt Ans, Penthouse...
Mais c'est avec la création de son personnage Jack Palmer, en 1974, que
René Pétillon s'est fait une place de plus en plus prégnante dans le
paysage médiatique. Cet inspecteur, qui ne comprend pas grand chose aux
enquêtes qui lui sont confiées, est toujours au centre de nombreux
imbroglios touchant aussi bien aux mondes de la politique, des médias ou
de la mafia. Jack Palmer est ainsi invité dans les pages de Pilote, Télérama, VSD, l'Écho des Savanes... René Pétillon le croque également dans quinze albums de bande dessinée.
Avec son style sans concession, ce cancre de toujours se lie au Canard enchaîné à partir de 1993.
Chaque semaine, il y publie des dessins politiques. René Pétillon collabore également avec Fluide Glacial, le Matin de Paris - où il scénarise la série du Baron Noir dessiné par Yves Got -, Métal Hurlant... Grand Prix de la ville d'Angoulême en 1989, il reçoit en 2001, toujours à Angoulême, le prix du meilleur album pour L'Enquête corse,
avec Jack Palmer dans le rôle principal. Comme Ali Dilem, il reçoit
également le Grand Prix de l'humour vache, en 2002. L'année suivante, il
confie à Florence Cestac la mise en images de Super Catho, son
premier album autobiographique, dans lequel il décrit avec beaucoup
d'humour son enfance en terre bretonne et catholique, dans les années
1950.
Aujourd'hui âgé de 69 ans, l'impertinence et la désinvolture
chevillées au corps, il a rejoint l'équipe de Charlie Hebdo qui
l'a sollicité, a-t-il expliqué à France 3 Bretagne. Il s'agira néanmoins
d'une «collaboration temporaire, pour quelques semaines, le temps que Charlie recrute d'autres dessinateurs». Ceux-ci ne se bousculent en effet pas au portillon, échaudés par les derniers événements.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire