Ali Benouari. Ex-ministre délégué au Trésor et ancien dirigeant de banque en Suisse
"Les révélations sur les fortunes algériennes qui sont contenues dans des comptes de la HSBC à Genève ne m’étonnent pas, étant donné qu’il est de notoriété publique que ces fortunes seraient beaucoup plus importantes que ce que l’on pense. L’évasion fiscale, tant à l’intérieur du pays que vers l’extérieur, est à la mesure de la corruption dans les marchés publics, mais aussi à la mesure du marché informel qui représente 50% du produit intérieur brut. L’argent qui est à l’étranger provient des pots-de-vin et de la surfacturation essentiellement.
Les estimations
des fonds placés à l’étranger, liés à la corruption et à la
surfacturation, dépasseraient les 100 milliards de dollars depuis le
début des années 2000, tandis que les fortunes algériennes établies à
l’étranger seraient de près de 200 milliards de dollars. Ce phénomène
allait en augmentant, favorisé essentiellement par les montants
importants investis dans les marchés publics et par les années du
pétrole cher. C’est un scandale dont on n’a pas fini de parler.
Il faut toujours que ce soit l’étranger qui révèle des informations sur
nos scandales, tout comme, rappelons-le, l’affaire Sonatrach. Il est
fort à parier que les futures informations viendront de l’étranger. Le scandale de la HSBC est un dossier ouvert et, probablement, connaîtra des suites .
Mais ce ne sont pas les Américains et les Européens qui vont se battre
pour dévoiler les fortunes algériennes impliquées dans cette affaire.
Car il faut que le pays concerné demande à la Suisse ou à un autre
paradis fiscal un échange d’informations sur la liste des fortunes qui
ont échappé à son fisc. Visiblement, du coté algérien, la volonté n’y
est pas. Des pays comme la Suisse sont tous disposés à coopérer, mais encore faut-il que l’Algérie l’exige."
L’affaire HSBC n’est que la partie visible de l’iceberg, car il faut
savoir qu’il y a environ 500 banques en Suisse. L’affaire HSBC a éclaté
parce que des listings ont été remis. Les fuites concernent 100 000
clients de HSBC. Mais il n’y a pas que la Suisse qui détienne ce genre
de fortunes, il y a aussi, par exemple, Dubaï, Malte, Singapour….
La surfacturation, les pots-de-vin et l’évasion fiscale sont un sport
national en Algérie. Il y a trois sources d’évasion fiscale de
l’Algérie vers l’étranger ; celle qui vient du marché noir, la
surfacturation des produits importés et les pots-de-vin. Le plus étrange
est que nous avons beaucoup
d’hommes d’affaires algériens qui ont des comptes bancaires à
l’étranger, mais qui ne sont points inquiétés car le fisc algérien ne
leur demande jamais la déclaration de leurs biens placés à l’étranger.
Extrait de l'interview accordée à El Watan du 10 février 2015
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