La célébration du Printemps berbère
est l’un des rares moments de la vie nationale où les esprits s’apaisent
et les voix appellent quasiment à l’unisson en faveur de l’officialisation de la langue amazighe.
Jalonné par le fracas des affaires de corruption, d’autoritarisme et
les velléités contradictoires de réformes politiques aussi vagues
qu’improbables, le cours des événements dans le pays marque une halte,
le 20 avril, permettant à la revendication amazighe d’avoir voix au
chapitre dans tous les discours.
Djaffar Tamani
In El watan
Des anciens chefs de
gouvernement qui, pendant leur exercice, n’avaient pas trouvé les
ressorts pour lever l’interdit culturel et identitaire, et des mouvances
politiques qui s’étaient démarquées des protestations en Kabylie au
printemps 1980 s’alignent à présent sous le même mot d’ordre de
reconnaissance pleine et entière de l’amazighité.
La bataille de
l’opinion est largement gagnée par le Mouvement culturel berbère,
au-delà même de sa propre existence, puisque la dynamique de
revendication et de lutte est portée aujourd’hui par les associations,
les comités d’étudiants et les partis politiques, y compris ceux qui
veulent s’inscrire dans le sens de l’histoire sans y mettre trop de
conviction.
Personne n’est contre l’officialisation de tamazight,
sauf… l’Etat. Si la question leur était posée individuellement, les
membres du gouvernement et les parlementaires ne s’opposeraient
nullement à un projet de reconnaissance de la langue maternelle de
millions d’Algériens et ajouteraient qu’ils se sont toujours sentis
militants de la cause identitaire.
Le signal et la décision
politiques ne viennent pas, alors les institutions, en premier lieu
celles représentant la communauté nationale, ne se sentent pas investies
du devoir de réparer le lourd déni identitaire infligé par l’Algérie
indépendante à sa propre population.
Dans un environnement
nord-africain où des avancées notables ont été enregistrées en matière
de droits culturels, le pouvoir algérien est décidé à assumer son
archaïsme et son sectarisme jusqu’au bout, sans doute jusqu’à une
rupture politique radicale dans le pays.
Il est plus disposé à
donner en concession le sous-sol du pays qu’à faire accéder la dimension
amazighe à un statut égal à celui de l’arabité.
Même si
diverses équipes dirigeantes se sont succédé à la tête de l’Etat,
parfois au prix de renversements, le système politique algérien, dans sa
structure psychologique, est resté au même niveau d’irrationalité que
lorsqu’à l’indépendance, les dépouilles de deux glorieux colonels de
l’ALN ont été déterrées et séquestrées dans une caserne de gendarmerie.
Le même déni de la réalité continue de sévir plus d’un demi-siècle après l’accession à l’indépendance.
Si le pouvoir «séquestre» la question de l’amazighité, c’est parce
qu’elle porte l’exigence de démocratie, la hantise originelle d’un
régime qui a pour obsession de perpétuer son règne.
Alors que le
combat pour l’amazighité est politiquement plébiscité dans la société
et la classe politique, le pouvoir fait la sourde oreille à une
revendication qui résonne comme un appel à l’instauration de la
démocratie.
Djaffar Tamani
In El watan
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