Oumma
s’est fait l’écho, à juste raison, de l’initiative du Dr
Tahiru-l-Qadrî ; une fatwa contre le terrorisme. La dénomination est
explicite ; il n’y a donc pas à confondre musulmans et terroristes,
Islam et terrorisme. Autre certitude, cette fatwa ne s’adresse pas aux
présumés terroristes, tout occupés à menacer l’Occident, ils n’auront
sûrement pas l’occasion de lire ces 600 pages là. Et c’est tant mieux,
car ceux qui gouvernent par la force ont besoin d’instrumenter la
terreur, même, et surtout, si elle est virtuelle.
Oumma s’est fait l’écho, à juste raison, de l’initiative du Dr
Tahiru-l-Qadrî ; une fatwa contre le terrorisme. La dénomination est
explicite ; il n’y a donc pas à confondre musulmans et terroristes,
Islam et terrorisme. Autre certitude, cette fatwa ne s’adresse pas aux
présumés terroristes, tout occupés à menacer l’Occident, ils n’auront
sûrement pas l’occasion de lire ces 600 pages là. Et c’est tant mieux,
car ceux qui gouvernent par la force ont besoin d’instrumenter la
terreur, même, et surtout, si elle est virtuelle.
Dans un monde où n’est
pas un gramme d’explosif qui ne soit dûment étiqueté et répertorié, il
serait de bon ton de s’interroger sur les fournisseurs réels de ces
terroristes. Quoiqu’il en soit des dessous du Grand Jeu ,
ce qui nous préoccupe ici est l’accusation constante, l’association
autrefois larvée et aujourd’hui patente, d’un lien intrinsèque entre
l’Islam et le terrorisme ; après tout les terroristes dont on nous parle
ne sont-ils pas musulmans.
Nous n’avons jamais eu prétention à donner fatwa, notre objectif
est autre.
Cependant, en "Que dit vraiment le Coran" nous avions traité
de quatre questions relatives à ce sujet : Guerre & paix ; Violence
et non-violence ; Jihâd ; Terrorisme et kamikaze. Plus d’une
cinquantaine de versets clef y étaient envisagés, et peut être serait-il
utile, en toute modestie, que nous en rappelions l’essentiel.
Mais, auparavant, nous voudrions nous exprimer quant aux
réactions de lecteurs, la frange lisible du lectorat qui, pour
silencieux n’en est pas moins vivant ; à cet égard certains commentaires
nous ont parus significatifs :
- Que l’Islam ne fasse pas l’apologie
de la violence est fermement inscrit dans le cœur de 99.999 % des
musulmans. Faudrait-il donc discuter de l’évidence, et vouloir se
justifier une énième fois de ce que chaque croyant n’est en rien
responsable des aberrations d’autrui ?
- Faudrait-il une fatwa pour que l’Islam abandonne la violence ? De principe, Dieu merci, non. Il y a-t-il au fond une religion
qui prescrive la violence comme voie de réalisation ! C’est donc que
cette fatwa ne dicte pas l’Islam, elle en fait uniquement et
nécessairement le constat.
- Mais faudrait-il que nous restions
passifs ? De fait, non. Assiégés, aculés, victime d’être coupable, nous
sommes alors en l’obligation de nous défendre. Non pas tant justifier de
ne pas être ce dont on nous accuse, notre seul devoir est ici de
triompher par le plus noble des exemples, mais nous incombe, à tous, de
persévérer dans le devoir d’explication de notre religion.
- Si nous ne le faisions pas, nous laisserions valider
tacitement ce que les hommes ont prétendu au nom de la Révélation pour
justifier leurs éternels penchants. En ce cas, l’Ancien Testament vante
moult massacres à la gloire d’Israël et de son Dieu. L’épée contre la
paix de Jésus est un vilain jeu
de mots bien connu. Les interpréteurs jihâdistes ne manquent pas à lire
le Texte avec haine et aveuglement. Devrions-nous tous porter ce
fardeau ?
- Faudra-t-il une fatwa pour changer les choses ? A l’évidence
non ; les intérêts du terrorisme sont bipolaires et bilatéraux, ce n’est
à présent un secret pour personne.
- Faudrait-il que nous examinions nos profondes ambiguïtés ? A
l’évidence oui ; au fond de nos âmes est tapie l’ambivalence de tous les
fils d’Adam. Nombreux sont, occidentaux y compris, ceux qui eurent du
mal à ne pas applaudir au grand spectacle technicolor des « Deux
tours ». Et pourtant, que de sombres ombres se profilaient, non-dits
terribles à présent à l’œuvre.
-L’intérêt de la démarche du Dr Tahiru-l-Qadrî est aussi
ailleurs, et il a été justement souligné qu’une médiatisation était en
soi déjà un résultat. Et, bien évidemment, il ne manquera pas d’hommes
et de femmes de mauvaise volonté pour critiquer l’homme de paix, sa
spiritualité. Ambiguïté toujours, paradoxalement les incessantes
campagnes militaro-médiatiques ont porté l’Islam au devant de la
scène. Au fond L’Islam est maintenant religion connue. Pour preuve, il
ne manque pas de plumistes pour brandir le « verset du sabre » comme
preuve de notre bellicisme, et plus sûrement encore du leur.
- Promulguer médiatiquement une fatwa a
sûrement plus d’efficacité en terme de communication auprès des
non-musulmans que des musulmans. Rappelons-nous que ce terme « magique »
fit irruption et fortune pour célébrer la fable « Du turban et
l’écrivain ». Deux médiocrités en face à face, le machiavélisme
politique et l’écrivaillon en manque de reconnaissance. Bref, il faut
savoir communiquer, et combien liront les 600 pages de ce texte ?
L’objectif n’est donc pas là.
- La déclaration du Dr Tahiru-l-Qadrî
met en valeur la servilité silencieuse de ceux qui parmi nous ont choisi
de faire carrière, les « tarboush-cravates » passant la serpillière
dans les couloirs obscurs d’obscurs ministères.
- La déclaration du Dr Tahiru-l-Qadrî
est bien plus louable que celle de nos intellectuels musulmans condamnés
à séduire (qui ?) ; les médias indispensablement. Evoluer en tant que
penseur en cet univers d’où la pensée est absente, est en soi un
exploit. Permanent numéro d’équilibriste les obligeant à aboyer avec les
loups tout en minaudant avec les musulmans. Ecrasés entre le micro et
la plume, tous, lorsqu’ils condamnent, maintiennent en parallèle le
statu quo sur la validité des textes islamiques. Les invalider est alors
affaire de spécialistes plaident-ils à l’unisson. Moins poltrons, parce
que dénués de prétentions intellectuelles, d’autres veulent bien passer
au lance-flamme de la laïcité ces vieilleries manuscrites.
- Le Père Sâmir Khalîl Samîr, dont les
bonnes intentions ne font à mes yeux aucun doute, aurait eu comme tort
de s’enthousiasmer. Nous, musulmans, n’aimons pas que l’autre nous fasse
la leçon, fût-elle bonne. Mon cher, vous voilà condamné par la Oumma à
être notre éternel louangeur, vous qui portez une triple croix ; être
chrétien, être arabe et aimer les musulmans. Vous avez donc été
contraint de nous rappeler qu’il y a chez nous d’autres ulémas, stars
des shows télécoranistes, qui justifient à des fins purement
politiciennes et politiques les actes de violence commis par des
musulmans, ou tout du moins prétendument au nom de l’islam. Il est
inutile je pense de qualifier ces violences d’aveugles, elles le sont
toutes, car “se sont les cœurs qui sont aveugles.”
- Nous l’avons dit, ce monde est celui de l’ambivalence
apparente, et qui veut diaboliser l’Islam et les musulmans, ou
anathématiser l’infidèle, trouvera toujours une raison, celle du Loup.
L’agneau de pureté pourra toujours invoquer le bien fondé de sa
blancheur.
Ceci étant, nous nous proposions donc de rappeler l’essentiel du
Coran quant à cette problématique, textes qui en Islam appartiennent à
tous et qu’il incombe à tous de méditer :
Concernant le principe de paix.
La paix est un principe fondateur.
- “ Dieu vous invite à entrer en la Demeure de paix…” S10.V25.
Paix et Islam, salâm islâm, sont liés étymologiquement et conceptuellement.
- “ Ô croyants, abandonnez-vous totalement à la paix.” S2.V208.
Il n’y a pas de religion, pas de spiritualité, qui ne soit mouvement vers la paix.
- “ Les serviteurs du Tout-Miséricordieux marchent humblement, et si des ignorants les importunent, ils répondent : paix.” S25.V63.
Concernant le principe de guerre.
La guerre ne se justifie que pour repousser l’agresseur.
- “…Et David tua Goliath…Si Dieu ne repoussait pas les hommes les uns par les autres, la terre serait entièrement corrompue… » S2.V251.
Mais la guerre n’est pas une fin en soi.
- “…Ne faiblissez pas, et appelle à la paix quand vous êtes en position de force.”S47.V35.[1]
Le fil conducteur de la raison et de la foi est le respect de la vie.
- “…n’attentez pas à la vie d’autrui que Dieu a rendue sacrée. Voila ce que Dieu vous recommande, puissiez vous le comprendre.” S6.V151.
Concernant la violence.
La violence est sans justification aucune.
- “ Ô mon peuple, soyez équitable, ne spoliez personne. Ne commettez aucun désordre sur terre.” S11.V85.
C’est le sens de la réponse de Abel à Caïn :
- “ Si tu lèves la main sur moi pour me tuer, je ne ferais
point de même et je refuserais de te tuer. Car, en vérité, je crains
Dieu le Seigneur des Mondes.” S5.V28.
Concernant le Jihâd.
Le premier verset révélé dans le Coran spécifie que le jihâd ne peut être qu’une réponse à une agression.
“ Autorisation est donnée à ceux qui combattent pour avoir été opprimés…” S22.V39.
En l’article publié sur Oumma « Dieu défend les croyants » j’ai
apporté bien des preuves confirmant que le Jihâd fut historiquement et
coraniquement strictement défensif.
D’autres versets sont en cohérence :
“ Combattez sur la voie de Dieu ceux qui vous combattent et ne commettez aucune exaction. Dieu n’aime pas les transgresseurs.” S2.V190.
“…s’ils vous agressent répondez à cette agression…” S2.V194.
“ Lorsqu’ils inclinent à la paix, fais de même et place ta confiance en Dieu, Il est celui qui Entend et Sait.” S8.V61.
Concernant le « verset du sabre ».
Pour conclure nous ne pouvions éluder ce classique. Ce verset,
mais il y a en réalité plusieurs candidats pressentis, abrogerait les
précédents. Il abrogerait dit-on plus de 70 versets. La belle affaire
que ni Dieu ni son Prophète nous ont enseigné. Quoiqu’il en soit du vrai
débat sur le bien ou mal fondé du principe d’abrogation, il nous
suffira de lire le verset que l’on mentionne le plus souvent sous ce
titre : “ A expiration des mois sacrés, tuez les polythéistes où que vous les trouviez. Saisissez-vous d’eux, assiégez-les, activez tous vos postes de gué…” S9.V5.
Voici donc le « verset du sabre »
auquel aiment se référer les partisans du Jihâd international mais aussi
ceux qui, en Occident, veulent répandre l’idée que musulmans et
terroristes, pourraient être termes synonymes.
De façon schématique, nous dirons
que le dévoiement, la déformation, ou l’incompréhension d’un verset du
Coran reposent sur trois règles.
- Ignorer volontairement les
circonstances de révélation du verset ou les événements auxquels il fait
référence, ou bien généraliser ce qui ne pouvait être qu’un cas
particulier.
- Isoler le verset de son contexte littéral.
- Extrapoler le sens des mots clef.
Concernant « l’interprétation » du « verset du sabre », sont effectivement employés ces trois procédés :
- Premièrement : Le contexte de révélation de ce verset est connu, il s’agit de la résiliation du pacte de Houdaybyya[2]
après que les polythéistes Mecquois eussent rompu unilatéralement la
trêve en agressant un groupe de musulmans. Il ne s’agit donc pas d’une
autorisation d’agression unilatérale et encore moins générale, mais
d’une réponse spécifique circonstanciée consécutive à la violation d’un
traité. Il est clair que nous sommes toujours ici en un cas de figure de
Jihâd défensif.
A ce sujet, le verset introductif de la même sourate
est explicite : “ Ceci est une déclaration de rupture émanant de Dieu et de son Messager envers les polythéistes avec qui vous aviez contracté un pacte.” S9.V1.
- Deuxièmement : Les partisans du
Jihâd permanent oublient de lire le verset 6, celui qui fait donc
immédiatement suite au « verset du sabre » : “ Si un de ces polythéistes
te demande protection, accorde la lui. Qu’il entende la parole de Dieu,
et aide le à se mettre en sécurité. Ceci du fait qu’ils ne sont qu’un
peuple sans connaissance.”S9.V6. Nul n’est ici combattu du fait
de ses croyances, quand bien même s’agirait-il d’un polythéiste, mais
bien du fait qu’il a rompu un contrat de non-agression. Bien plus, il
est demandé de respecter les droits des vaincus et d’assurer leur
sécurité
.
- Troisièmement : Il y a extrapolation coraniquement et linguistiquement injustifiable du mot clef « polythéistes ». Le texte du Coran utilise de manière constante en tout ce paragraphe un terme sans ambiguïté aucune, « mushrikîn » signifiant : « ceux qui à Dieu associent d’autres dieux », en l’occurrence les polythéistes Mekkois ayant rompu le traité de Houdaybyya et aucun autres.
C’est donc par dévoiement volontaire d’un terme pleinement univoque que « polythéistes » devient dans le discours l’équivalent « d’incroyants » puis, par extension encore « l’infidèle », c’est-à-dire dans ce monde fantasmé tout « non-musulman ».
En définitive, il suffirait de lire
le verset 13 de la même sourate, conclusion du paragraphe concerné,
pour discerner de façon indiscutable le seul et unique sens du « Verset
du sabre » : “Ainsi, combattez vous un peuple qui rompît ses
serments et voulut bannir le Messager. Ils ont effectivement ouvert les
hostilités…” S9.V13.
En résumé, il s’agit d’une
manipulation classique du sens d’un verset coranique. Que ce soit par
ignorance ou par volonté politique, ces affirmations aussi péremptoires
qu’inexactes, par la vision erronée et fascisante qu’elle engendre ne
peuvent que nuire au monde, à la Révélation divine, le Coran, et aux
musulmans. Sera-t-il encore nécessaire de préciser que tout verset dont
on prétendrait qu’il prône le Jihâd conquérant contre l’infidèle ne
relèverait que de ces même procédés d’interprétation orientée,
manipulation manipulant.
Sachons enfin qu’il n’y a
pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. L’on pourrait donc
encore nous opposer les batailles et les guerres du Prophète, ce à quoi
nous devrions répondre que le Prophète SBSL ne s’est
jamais opposé en quelconque situation ou comportement aux enseignements
du Coran, il s’agissait donc de jihâds défensifs.
L’on pourrait encore nous
citer des hadîths belliqueux, auxquels nous pourrions en opposer
d’autres bien plus authentiques. Malgré tout, nous pensons qu’il n’ y
aura pas de progression possible sans honnêteté intellectuelle et
morale, attitude qui exclut tout réflexe de défense apologétique. Nous
n’aurions donc pas été droit si nous n’avions pas mentionné l’existence
d’un hadîth rapporté par Al Bukhârî où le Prophète a dit : « Il m’a été ordonné de combattre les gens jusqu’à ce qu’ils disent qu’il n’ y a de dieu que Dieu. »
Ce texte authentifié est parmi un des plus épineux qui soit et, plaise à
Dieu, nous démontrerons comment cette parole, totalement coupée de son
contexte, a pu être détournée de sons sens originel.
[1] Ce verset est régulièrement traduit : “ Ne faiblissez pas et n’appelez pas à la paix quand vous avez le dessus.”
Notre traduction est aussi celle du Professeur Hamidullah et, si Dieu
nous en donne le temps, nous démontrerons à l’occasion par quels
mécanismes et erreurs induites l’on peut arriver à inverser le sens d’un
verset du Coran.
[2] Il s’agissait d’un pacte de non agression entre les Mecquois polythéistes et les musulmans.
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