Cette pièce bien réussie et qui sera reproduite dans une semaine dans la salle de spectacles de berbère tv, est également un réquisitoire sévère mais réel d’une société, une identité, d’une patrie malade. La solution ne tombera pas du ciel, ni des tenants du pouvoir depuis plus de 50 ans.
Ils sont venus du Canada. Ils font partie de cette nouvelle
communauté kabyle qui s’installe de plus en plus dans ce pays lointain. Pour la
plupart l’attachement à la dimension culturelle et identitaire n’est plus à
démontrer. C’est ainsi que née la troupe théâtrale « Renouveau amazigh ».
En collaboration avec Berbère télévisions, ils ont fait le
déplacement pour jouer leur nouvelle pièce intitulée « Abbuh.com » à
la salle Alhambra de Paris dans la soirée de ce mercredi.
Il y’avait foule aux guichets. Presque toutes les places de
cette salle ont été occupées. Cet événement culturelle avait bénéficié d’un
grand appui publicitaire de la part du groupe de berbère télévision, mais
aussi d’autres médias kabyles en France à l’exemple de radio beur FM.
Mais ce soutient publicitaire n’explique pas tout quand au
succès de cette pièce théâtrale. Elle a toutes les conditions nécessaires pour
une réussite, vu qu’elle contient un fond, un coté divertissements, mais aussi
le coté dramatique, sans oublier le bon niveau des comédiens.
Cette pièce est un cri d’alerte pour sauver la dimension
culturelle amazigh qui selon eux est en danger.
« Abbuh.com voudrait ne pas affoler, mais n’aimerait
pas non plus se sentir coupable de non-assistance à culture en danger. Alors
elle tire frénétiquement sur la sonnette d’alarme et crie à tue-tête :
attention attention, trésor en péril ! Le vent s’est levé et cette
fois-ci, nous risquons de nous perdre. Les temps ont changé, ce vent qui fait
le vide autour de lui se joue des montagnes et se rit des épées. Abbuh.com, crie à qui veut l’entendre qu’il
faut trouver autre chose cette fois-ci car la montagne s’est rabougrie et les
ancêtres sont impuissants.
Elle répète inlassablement : l’histoire est une
monture, aux indécis pas de cadeaux. Ou
tu la prends à l’encolure, ou tu finis sous les sabots. ». C’est ainsi que
cette pièce a été présenté au public.
Les comédiens sont Arab Sekhi, Hocine Toulait, Brahim
Benammar, Hakim Abdat et Nordine Bala.
L’histoire se déroule dans un cyber café d’un village
Kabyle. Arab Sekhi joue le rôle de Dda Yidir, propriétaire du Cyber café.
Hocine Toulait le rôle de Dda Moukrane, retraité de l’enseignement et aussi
écrivain public pour arrondir ses fins de mois. Brahim dans le rôle d’un
retraité et ancien chef de Kasma (cellule
politique du parti FLN en Algérie) sous le pseudonyme de Laqasma.
Hakim dans le rôle de Lhaj Alemmas, notable du village et
retraité de France. Enfin Nordine Bala dans le rôle de Mennad diplômé en comptabilité
et réparateur d’ordinateurs.
C’était un véritable voyage dans une problématique de la
réalité culturelle, historique, sociale et politique de la société kabyle en
particulier et de l’Algérie en général.
Dda Yiddir ouvre le matin son cyber café de fortune. Il tombe
sur une panne de ses ordinateurs vétustes. Il appelle Mennad pour tenter de lui
venir en aide. Puis arrive Dda Mokrane pour s’installer dans ce cyber en
attendant un éventuel client à la recherche d’un écrivain public. Puis arrive
Laqasma qui, un dossier en main cherche qu’on prend en charge son dossier de
demande de visa pour un voyage en France. Puis arrive le célèbre Lhadj Alemmas
qui paniqué découvre presque en retard qu’on lui a envoyé de France un courrier
concernant sa retraite en devise et qu’il ne reste qu’un jour avant le dernier
délai. Dda Moqran l’écrivain tente de le rassurer et l’Hadj Alemmas découvre qu’on
peur régler les choses par l’internet plutôt, « l’Intirnit » comme il
l’appelle. Mais aussi en s’approchant du micro ordinateur, il découvre
subitement une photo d’une femme sirène qui apparait soudainement dans une page
publicitaire qui s’est invitée dans l’écran. Il sursaute et prend distance,
comme si on aperçoit un fantôme beau et effrayant en même temps.
Ce petit rassemblement des gens de ce village est un tableau
caricatural de l’Algérie, d’un pays malmené par les déceptions, les dépressions
économique, le naufrage culturel, la falsification de l’histoire, la perte de
repère, la guerre, plutôt les guerres successives qui n’ont rien réglé. C’est
une société malade, plutôt rendue malade par un système usurpateur et imposteur
qui avait confisqué toute une révolution.
Al Hadj Alemmas est un patriarche, il a eu la chance d’avoir cette retraite en
devise, mais aussi sa docilité, cette naïveté d’une vie en soumission au régime
unique et injuste du système en place. Mais aussi Al Hadj souffrait, car c’est
lui qui fait vivre toute sa famille. Sa retraite est l’unique fortune de la
famille. Son fils devenu grand, vie toujours grâce à son père. Il ne lui manque
rien, mais il lui manque l’essentiel : le gout à la vie dans un pays
déboussolé et en perdition. El Hadj n’a pas le temps de penser et de s’inquiéter
à sa mort, mais il s’inquiète du sort de sa famille après sa mort et le tarissement
de cette source en devise.
Dda Yidir est la conscience de tout ce groupe qui mène et
qui encadre le débat, plutôt la succession de réquisitoire d’un passé trahi, d’un
présent amère et d’un avenir incertain. Dda Yidir polarise ce malaise général
dont personne n’est épargné et où l’on tente de désigner ou de trouver les
coupables, mais surtout comment sauver l’avenir.
Laqasma est le super nationaliste désenchanté. Roulé dans la farine d’un faux nationalisme,
pour respirer d’un tant soit peu d’air
frais et fuir cette pollution et cette déception générale qui le ronge silencieusement,
il veut avoir le visa et se permettre un voyage en France. Tard à la fin de sa
vie, il a découvert que la loyauté, le
vrai amour de la nation n’est qu’un slogan qui n’engage que ceux qui ont cru à
cette politique populiste et mensongère. Il a quitté ce giron les mains vides.
Les présent lui reproche de n’avoir profité de rien, ni d’un terrain, ni d’un appartement
ni d’un tracteur de Tawra Ziriâa (fameuse révolution agraire de Boumediène).
Dda Moukrane, souffre aussi. Il avait bossé toute sa vie
pour finir dans une pension de retraite honteuse qui le contraint de s’ériger
en un écrivain pout tenter de combler le manque. Il n’avait pas progressé dans
sa carrière. Il était coupable d’avoir été honnête dans une administration qui
ressemble à une jungle. Ses supérieurs se méfient de lui car il n’est pas un corrompus,
un docile et un suiviste. Ses subordonnés se méfient aussi de lui le croyant
faisant partie de l’équipe des chefs.
Mennad incarne la nouvelle génération. La jeunesse du corps,
mais un esprit meurtri, révolté en ayant conscience de l’héritage multi crise
dont lui et ses semblables sont victimes. Il reproche aux générations passées d’avoir
échoué d’avoir été berné par d’autres. Le bilan est si amère dans l’esprit de
ce jeune, pour lequel il n’ y a plus de vie dans cette société qui n’est plus
dans l’orbite des société qui avancent.
Ces jeux de rôle très bien assimilés ont connu des moments
graves de réquisitoire. Des discours en prose et dans un kabyle châtié, mais
aussi entrecoupé souvent par des moments de rires pour délivrer le public de ce
voyage douloureux d’une réalité que tout le monde ressent et connait.
Enfin une vieille rentre dans le cyber, sollicite l’aide de
l’écrivain Dda Moukrane. Cette malheureuse vieille demande qu’on retrouve le
contact avec son fils parti en exil et ayant disparu depuis des années. Cette
femme fait étaler ses douleurs d’un être cher poussé à fuir l’enfer de son pays
à la recherche d’horizon plus clément, mais qui par la suite se transforme en
un cauchemar pour toute sa famille. Dans un chant d’un ton raisonnant terriblement, cette veille
interroge les nuits, le silence, Dieu et même les poissons pour lui donner des
nouvelles de son enfants et la rassurer qu’il est toujours là en vie.
Ce passage avait fait pleurer plus d’un, particulièrement la
junte féminine présente qui visiblement ont du mal à cacher leurs larmes, leurs
émotions.
Cette pièce est un avant tout une action culturel, un coup
de pied dans la fourmilière pour faire secouer l’omerta, le vide, la passivité
pour signifier clairement que le théâtre kabyle et berbère, il faut le
ressusciter, redorer le blason et renouer avec les valeurs et le patrimoine
dans des œuvres théâtrales.
Cette pièce bien réussie et qui sera reproduite dans une
semaine dans la salle de spectacles de berbère tv, est également un
réquisitoire sévère mais réel d’une société, une identité, d’une patrie malade.
La solution ne tombera pas du ciel, ni des tenants du pouvoir depuis plus de
50 ans. La solution est entre les différents antagonistes damnés par un système
complexe et très hostile. Il faudra étaler les douleurs, les malaises, puis
trouver des solutions où chacun devra prendre sa responsabilité et participer à
la renaissance et à sauver l’instant présents, mais surtout l’avenir sous toutes
ses dimensions.
De Paris par
Mourad HAMMAMI
N.B: les organisateurs avaient interdit toute prise de photo ou de vidéo d'où ces photos de qualité médiocre publiés et volé furtivement à l'aide d'un téléphone.
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