jeudi 15 octobre 2015

Franc succès pour la pièce théatrale « Abbuh.com » à Paris

Cette pièce bien réussie et qui sera reproduite dans une semaine dans la salle de spectacles de berbère tv, est également un réquisitoire sévère mais réel d’une société, une identité, d’une patrie malade. La solution ne tombera pas du ciel, ni des tenants du pouvoir depuis plus de 50 ans. 


Ils sont venus du Canada. Ils font partie de cette nouvelle communauté kabyle qui s’installe de plus en plus dans ce pays lointain. Pour la plupart l’attachement à la dimension culturelle et identitaire n’est plus à démontrer. C’est ainsi que née la troupe théâtrale « Renouveau amazigh ».
En collaboration avec Berbère télévisions, ils ont fait le déplacement pour jouer leur nouvelle pièce intitulée « Abbuh.com » à la salle Alhambra de Paris dans la soirée de ce mercredi.
Il y’avait foule aux guichets. Presque toutes les places de cette salle ont été occupées. Cet événement culturelle avait bénéficié d’un grand appui publicitaire de la part du groupe de berbère télévision, mais aussi d’autres médias kabyles en France à l’exemple de radio beur FM.
Mais ce soutient publicitaire n’explique pas tout quand au succès de cette pièce théâtrale. Elle a toutes les conditions nécessaires pour une réussite, vu qu’elle contient un fond, un coté divertissements, mais aussi le coté dramatique, sans oublier le bon niveau des comédiens.
Cette pièce est un cri d’alerte pour sauver la dimension culturelle amazigh qui selon eux est en danger.
 « Abbuh.com voudrait ne pas affoler, mais n’aimerait pas non plus se sentir coupable de non-assistance à culture en danger. Alors elle tire frénétiquement sur la sonnette d’alarme et crie à tue-tête : attention attention, trésor en péril ! Le vent s’est levé et cette fois-ci, nous risquons de nous perdre. Les temps ont changé, ce vent qui fait le vide autour de lui se joue des montagnes et se rit des épées.  Abbuh.com, crie à qui veut l’entendre qu’il faut trouver autre chose cette fois-ci car la montagne s’est rabougrie et les ancêtres sont impuissants.

Elle répète inlassablement : l’histoire est une monture, aux indécis pas de cadeaux.  Ou tu la prends à l’encolure, ou tu finis sous les sabots. ». C’est ainsi que cette pièce a été présenté au public.
Les comédiens sont Arab Sekhi, Hocine Toulait, Brahim Benammar, Hakim Abdat et Nordine Bala.

L’histoire se déroule dans un cyber café d’un village Kabyle. Arab Sekhi joue le rôle de Dda Yidir, propriétaire du Cyber café. Hocine Toulait le rôle de Dda Moukrane, retraité de l’enseignement et aussi écrivain public pour arrondir ses fins de mois. Brahim dans le rôle d’un retraité et  ancien chef de Kasma (cellule politique du parti FLN en Algérie) sous le pseudonyme de Laqasma.
Hakim dans le rôle de Lhaj Alemmas, notable du village et retraité de France. Enfin Nordine Bala dans le rôle de Mennad diplômé en comptabilité et réparateur d’ordinateurs.
C’était un véritable voyage dans une problématique de la réalité culturelle, historique, sociale et politique de la société kabyle en particulier et de l’Algérie en général.
Dda Yiddir ouvre le matin son cyber café de fortune. Il tombe sur une panne de ses ordinateurs vétustes. Il appelle Mennad pour tenter de lui venir en aide. Puis arrive Dda Mokrane pour s’installer dans ce cyber en attendant un éventuel client à la recherche d’un écrivain public. Puis arrive Laqasma qui, un dossier en main cherche qu’on prend en charge son dossier de demande de visa pour un voyage en France. Puis arrive le célèbre Lhadj Alemmas qui paniqué découvre presque en retard qu’on lui a envoyé de France un courrier concernant sa retraite en devise et qu’il ne reste qu’un jour avant le dernier délai. Dda Moqran l’écrivain tente de le rassurer et l’Hadj Alemmas découvre qu’on peur régler les choses par l’internet plutôt, « l’Intirnit » comme il l’appelle. Mais aussi en s’approchant du micro ordinateur, il découvre subitement une photo d’une femme sirène qui apparait soudainement dans une page publicitaire qui s’est invitée dans l’écran. Il sursaute et prend distance, comme si on aperçoit un fantôme beau et effrayant en même temps.
Ce petit rassemblement des gens de ce village est un tableau caricatural de l’Algérie, d’un pays malmené par les déceptions, les dépressions économique, le naufrage culturel, la falsification de l’histoire, la perte de repère, la guerre, plutôt les guerres successives qui n’ont rien réglé. C’est une société malade, plutôt rendue malade par un système usurpateur et imposteur qui avait confisqué toute une révolution.

Al Hadj Alemmas est un patriarche, il a  eu la chance d’avoir cette retraite en devise, mais aussi sa docilité, cette naïveté d’une vie en soumission au régime unique et injuste du système en place. Mais aussi Al Hadj souffrait, car c’est lui qui fait vivre toute sa famille. Sa retraite est l’unique fortune de la famille. Son fils devenu grand, vie toujours grâce à son père. Il ne lui manque rien, mais il lui manque l’essentiel : le gout à la vie dans un pays déboussolé et en perdition. El Hadj n’a pas le temps de penser et de s’inquiéter à sa mort, mais il s’inquiète du sort de sa famille après sa mort et le tarissement de cette source en devise.
Dda Yidir est la conscience de tout ce groupe qui mène et qui encadre le débat, plutôt la succession de réquisitoire d’un passé trahi, d’un présent amère et d’un avenir incertain. Dda Yidir polarise ce malaise général dont personne n’est épargné et où l’on tente de désigner ou de trouver les coupables, mais surtout comment sauver l’avenir.

Laqasma est le super nationaliste désenchanté.  Roulé dans la farine d’un faux nationalisme, pour respirer d’un tant soit peu  d’air frais et fuir cette pollution et cette déception générale qui le ronge silencieusement, il veut avoir le visa et se permettre un voyage en France. Tard à la fin de sa vie, il a  découvert que la loyauté, le vrai amour de la nation n’est qu’un slogan qui n’engage que ceux qui ont cru à cette politique populiste et mensongère. Il a quitté ce giron les mains vides. Les présent lui reproche de n’avoir profité de rien, ni d’un terrain, ni d’un appartement ni d’un tracteur de Tawra Ziriâa (fameuse révolution agraire de Boumediène).
 
Dda Moukrane, souffre aussi. Il avait bossé toute sa vie pour finir dans une pension de retraite honteuse qui le contraint de s’ériger en un écrivain pout tenter de combler le manque. Il n’avait pas progressé dans sa carrière. Il était coupable d’avoir été honnête dans une administration qui ressemble à une jungle. Ses supérieurs se méfient de lui car il n’est pas un corrompus, un docile et un suiviste. Ses subordonnés se méfient aussi de lui le croyant faisant partie de l’équipe des chefs.
Mennad incarne la nouvelle génération. La jeunesse du corps, mais un esprit meurtri, révolté en ayant conscience de l’héritage multi crise dont lui et ses semblables sont victimes. Il reproche aux générations passées d’avoir échoué d’avoir été berné par d’autres. Le bilan est si amère dans l’esprit de ce jeune, pour lequel il n’ y a plus de vie dans cette société qui n’est plus dans l’orbite des société qui avancent.

Ces jeux de rôle très bien assimilés ont connu des moments graves de réquisitoire. Des discours en prose et dans un kabyle châtié, mais aussi entrecoupé souvent par des moments de rires pour délivrer le public de ce voyage douloureux d’une réalité que tout le monde ressent et connait.
Enfin une vieille rentre dans le cyber, sollicite l’aide de l’écrivain Dda Moukrane. Cette malheureuse vieille demande qu’on retrouve le contact avec son fils parti en exil et ayant disparu depuis des années. Cette femme fait étaler ses douleurs d’un être cher poussé à fuir l’enfer de son pays à la recherche d’horizon plus clément, mais qui par la suite se transforme en un cauchemar pour toute sa famille. Dans un chant  d’un ton raisonnant terriblement, cette veille interroge les nuits, le silence, Dieu et même les poissons pour lui donner des nouvelles de son enfants et la rassurer qu’il est toujours là en vie.
Ce passage avait fait pleurer plus d’un, particulièrement la junte féminine présente qui visiblement ont du mal à cacher leurs larmes, leurs émotions.
Cette pièce est un avant tout une action culturel, un coup de pied dans la fourmilière pour faire secouer l’omerta, le vide, la passivité pour signifier clairement que le théâtre kabyle et berbère, il faut le ressusciter, redorer le blason et renouer avec les valeurs et le patrimoine dans des œuvres théâtrales.

Cette pièce bien réussie et qui sera reproduite dans une semaine dans la salle de spectacles de berbère tv, est également un réquisitoire sévère mais réel d’une société, une identité, d’une patrie malade. La solution ne tombera pas du ciel, ni des tenants du pouvoir depuis plus de 50 ans. La solution est entre les différents antagonistes damnés par un système complexe et très hostile. Il faudra étaler les douleurs, les malaises, puis trouver des solutions où chacun devra prendre sa responsabilité et participer à la renaissance et à sauver l’instant présents, mais surtout l’avenir sous toutes ses dimensions.

De Paris par
Mourad HAMMAMI

N.B: les organisateurs avaient interdit toute prise de photo ou de vidéo d'où ces photos de qualité médiocre publiés et volé furtivement à l'aide d'un téléphone.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire